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Le 10 mai 2020 à 10:12 | mise à jour le 10 mai 2020 à 17:34

Jean Garcin, l'un des pionniers français de patinage à roulettes

Jean Garcin, l'un des pionniers français de patinage à roulettes

Jean Garcin fut l'un des inventeurs français les plus célèbres du patins à roulettes. Patineur sur glace émérite, il a même écrit un ouvrage consacré à son art. Il était cependant plus un grand communicant qu'un véritable génie de la mécanique...

Mis en ligne par  Alexandre CHARTIER

Biographie de Jean Garcin

Le beau Narcisse extrait de l'ouvrage de Garcin

A la fin du XVIIIe siècle, les hivers rigoureux permettent la pratique du patinage sur glace à Paris. Les étangs de la Glacière et le bassin de la Villette sont gelés. Les patineurs investissent les lieux pour goûter aux joies de le vitesse ou pour réaliser les figures les plus esthétiques. Parmi eux, un groupe d'esthètes du patinage : les gilets rouges. Ces virtuoses sont facilement reconnaissalbes. Ils arborent un costume spécial : un casque à visière surmonté d’un élément carré, un pantalon collant bleu relevé au-dessus de la chaussure, un gilet rouge vif à brandebourgs bordé de fourrure. Le chevalier de Saint-Georges, l'un des patineurs sur glace les plus réputés de l'époque, figure parmi les protagonistes. C'est un musicien et un sportif surdoué.

Jean Garcin : un patineur sur glace avant tout !

Le français Jean Garcin fut l'un d'eux. Il patinait sur glace sous le Premier Empire et la Restauration. On le voyait arpenter le canal de l'Arsenal à Paris. Il est décrit comme : 

« un fameux patineur, haut de taille, bien bâti, le gilet-rouge de l’époque ».

 

Malheureusement, il lui fallait attendre la saison d'hiver pour montrer ses talents. Mécanicien de métier, il invente un nouveau modèle de patin à glace.

Un ouvrage de référence pour le patinage sur glace en France

En 1813, il écrivit le premier ouvrage français consacré au patinage sur glace : "Le vrai patineur ou principe sur l'art de patiner avec grâce". Il habitait alors dans le Quartier Latin. Il déménagea près du Bassin de la Villette pour être au plus près des lieux de pratique.

Le brevet de Garcin en 1828

Dans son ouvrage, il faisait l'éloge du patinage sur glace. Bien plus qu'un ouvrage pédagogique, il y décrit la façon d'être et de se comporter d'un patineur sur glace digne de ce nom. Il y explique aussi les principes de fixation des patins aux pieds, les postures que le patineur doit adopter dans chacun de ses gestes, les mauvaises habitudes qu'il doit éviter, un véritable traité de savoir-patiner pour gentilhomme !

1828 : la naissance du "Cingar"

En manque de pratique et de glace durant les beaux jours, il eut l'idée de créer des patins à roulettes avec lesquels il évoluait dans les salles parquetées ou dans les lieux dallés : Ils étaient nommés "Cingar", l'inversion des syllabes de son nom.

Le 26 juillet 1828, il déposa un brevet (n°2026) pour un "patin à éclisses". Il y décrit des roues en bois  ou corne dont le moyeu peut être en métal.

Il était équipé de 3 roues alignées, comme ceux de Charles-Louis Petibled. La roue centrale est positionnée plus bas que les roues aux extrémités pour reproduire la sensation du patinage sur glace. C'est le principe de la banane et du rockering d'aujourd'hui ! Cette configuration permet de dessiner des courbes plus facilement, chose indispensable en patinage "artistique".

Le Cingar était équipé d'éclisses : des barres qui montaient le long des mollets et qui venaient s'attacher sous le genou à l'aide d'une courroie de cuir. Elles permettaient d'améliorer le maintien du patin.

Au talon, Garcin avait prévu un frein constitué d’une tige métallique terminée par un noyau en bois.

Un bémol : son patin était essentiellement utilisable sur les surfaces dures et lisse, en intérieur ou sur les revêtements en pierre ou en dalles. Le brevet indique que le Cingar se destinait au patinage sur une surface de liais (calcaire d’un grain très fin) ou de fonte.

Au regard de la signature apposée sous le brevet, Garcin habitait alors au 1 rue du Chemin de ronde de la barrière des Vertus, à Paris. C'est une voie de l'ancien 8e arrondissement, incorporée en 1864 au boulevard de Ménilmontant.

Le guerre des brevets avec Charles-Louis Petibled

Le brevet de Garcin fut dénoncé quatre ans plus tard par Petibled dont le brevet de 1819 rendit caduque celui de Garcin. Le 25 juin 1828, Garcin adressa une lettre au Ministre Secrétaire d'Etat du Commerce et des Manufactures pour défendre son invention. Il objecta que le patin de Petibled ne servait qu'à se déplacer, et ne permettait en aucun cas de réaliser des figures, comme le sien. Malgré la déchéance de son brevet, il continua de fabriquer ses propres patin jusqu'en 1839. Il continua également d'en faire la promotion.

Bien que son patin dispose d'un fameux système de rockering, il ne fut toutefois pas le premier à avoir cet idée. L'anglais Robert John Tyers avait déjà créé un patin à 5 roues en ligne de tailles différentes dès 1823, soit 5 ans avant Garcin. La revue britannique All the year round qualifia le patin de Garcin de « piracy of Tyers’ invention » : un plagiat de l’invention de Tyers.

Comparaison des patins de Tyers et Garcin

1828 : Garcin crée " l'école de Cingar "

Garcin enseigna aussi la pratique du roller dans sa propre école (Rollermania, Sam Nieswizski, 1991, p21). En 1828, il fit construire son "gymnase" ou "école du Cingar" (Nieswiszki, 1991) près du bassin de la Vilette.

Il en fait la publicité dans l’Almanach du Commerce. Mais comme il n’existe pas de rubrique Patinoire (le mot n’est pas encore inventé), il figure paradoxalement sous la rubrique " Professeurs d’escrime ". On y lit :

« École de Cingar ou de Patins à éclisses, tenue par Garcin, breveté du roi, Fg-St-Martin, 253. Mécanique pour apprendre à patiner sans danger, dans toutes les saisons, sur un sol préparé. »

Cinquante ans plus tard, dans l'Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, un témoin se souvient : 

« Garcin fit construire une assez vaste salle au bord du canal Saint-Martin, non loin du bassin de la Villette, et nomma son établissement École du Cingar. [...] Le plancher de la salle était formé de dalles bien jointes offrant une superficie suffisamment plane. [...] On filait, on virait avec une étonnante facilité. La paire de Cingars se louait, je crois, à raison de un franc par heure. » 

Le sol en dalle bien jointes permettait de pratiquer dans de bonnes conditions. Rendez-vous était donné :

"tous lés dimanches et jeudis, à deux heures exercices par les professeurs, faubourg Saint- Martin".

En 1830, il déménagea son gymnase au Nouveau Tivoli. Il se situe entre la rue de Clichy et la rue Blanche, près de la place de Clichy, sur l’emplacement de l’actuelle place Adolphe Max (9e arrondissement) et aux alentours. L'endroit est abrité par un vaste parc qui propose aux parisiens de multiples distractions : montagnes russes, tir, manège, musique, théâtre... 

Un plan de l’époque représente la piste de Garcin, circulaire, sous le nom de Patinage d’été (source : Sam Nieswizski).

Il dut fermer son skating rink après 3 ou 4 années d'activité. De nombreux accidents auraient entâché sa réputation et éloigné ses clients.

Emplacements du premier et du second gymnase de Garcin

1818 : Garcin devient distributeur français de draisiennes

La première draisienneEn mars 1818, Garcin se vit confier par le Baron Karl Drais von Sauerbronn le dépôt parisien des draisiennes. Ce dernier fit déposer le brevet à Paris par l'un de ses domestiques. En effet, bien que Drais ait été retraité, il était toujours techniquement fonctionnaire en congé payé. Il ne pouvait pas se rendre à Paris sans autorisation. Il a eu également recours à des intermédiaires pour traiter avec Jean Garcin et son associé Tournus.

Drais souhaitait que Garcin crée une manufacture à Paris et ouvre une école pour apprendre à les utiliser. En effet, les premières draisiennes étaient fabriquées à Mannheim (Allemagne) et le trajet pour les faire venir était long, plus de 500 km.

Garcin vendit ces vélocipèdes au 3 rue de la Glacière. C'était probablement l'un de ses lieux de résidence. 

Une dizaine d'années avant de créer ses patins, Garcin avait compris l'intérêt de nouveaux modes de déplacements !

Jean Garcin aurait également résidé au n°74 de la rue Saint-André des Arts à Paris. En homme d'affaire averti, il y avait entreposé les patins qu'il vendait à ses clients. Garcin avait le sens de la publicité et ne manquait pas une occasion de faire la promotion de ses produits !

Les patins de Garcin sur scène

Sam Nieswizski nous a indiqué que le couple de danseurs / patineurs "Les Dumas", se produisait sur la scène du théâtre de la Porte Saint-Martin avec des patins fabriqués par Garcin « avec beaucoup de grâce et d’aisance ». Ils faisaient partie de la distribution de "La Neige", un ballet-pantomime en trois actes de Coraly et Chautagne.

La fin de Garcin reste un mystère

Plusieurs dates de décès peuvent être avancées. La difficulté à trouver la bonne vient notamment du fait que Jean Garcin avait de nombreux homonymes à cette époque. La première date indique qu'il serait décédé le 26 août 1841, dans l'ex 5e, l'arrondissement du Faubourg Saint-Martin.

Une archive d'état civil reconstituée propose une autre possibilité. L'original a brûlé en 1871 :

"Est signalé [...] le décès de Jean Garcin, le seul, le 26 août 1847 Paris 5 e." 

 Cela correspondrait au Faubourg Saint-Martin, donc à la rue de l’Aqueduc et à l’école de Cingar.

L'héritage de Garcin aujourd'hui

Sam Nieswizski nous indique que l'on peut encore admirer un exemplaire du patin de Garcin aux Etats-Unis : 

A ma connaissance, il ne subsiste dans le monde qu’un exemplaire de patin attribuable à Garcin, il est conservé au National Museum of Roller Skating, à Lincoln, Nebraska, USA.

Liens utiles

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Image d'ouverture : Wikimedia Commons
Merci à Francis Robin, Sam Nieswizski, Hans Erhard Lessing
Mis en ligne  le 10 mai 2020 - Lu 6221 fois

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Fondateur et webmaster de rollerenligne.com. Alexandre est un passionné de roller en général et sous tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Ne le branchez pas sur ces sujets sans avoir une aspirine à portée de main !

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