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Le 21 décembre 2017 à 19:12 | mise à jour le 02 février 2019 à 23:14

1860-1923 : l'histoire des patins cycles ou patins bicyclettes

1860-1923 : l'histoire des patins cycles ou patins bicyclettes

Les "patins cycles" ou "patins bicyclettes" ont permis aux patineurs les plus téméraires de sortir des sentiers battus dès la fin du XIXème siècle. De une à trois roues, leur technologie a beaucoup évolué pendant plus de 60 ans. Découverte...

Mis en ligne par  Alexandre CHARTIER

Une invention en perpétuelle amélioration à la Belle Epoque

Un père emmène sa famille au bord de la mer à moindre coût (1866)A la différences des patins à roulettes à essieux plus "classiques" créés en 1863, les patins cycles et patins bicyclettes sont équipés de roues assez similaires à celle d'un vélo (d'où leur nom sans équivoque ! ). Les roues de grand diamètre sont généralement positionnées sur la face externe du mollet ou sous le pied, à l'aide d'une structure rigide. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. L'illustration du 17 février 1866 (ci-contre), et que l'on doit à Du Maurier, laisse imaginer que les premiers patins cycles datent de cette période. Les roues à rayons sont entourées de bandages de caoutchouc pleins ou creux et qui, par la suite, ont été remplacés par des pneumatiques.

De nouveaux espaces à conquérir

A la différences des patins à roulettes traditionnels, les patins-cycles ouvrent de nouveaux espaces de pratiques aux patineurs qui ne sont plus confinés en intérieurs. Ils peuvent déambuler sur les routes et les trottoirs en toute liberté.

La naissance des patins cycles a coincidé avec l'apparition des roulements à billes qui fut une des révolutions majeures dans l'histoire du patin et de la bicyclette. Il n'apparurent cependant sur les patins qu'à partir de 1884 avec les modèles de Levant Marvin Richardson.

1860 : Nicolas Bresson ouvre la voie

Selon l'ouvrage Rollermania de Sam Nieswiszki, Nicolas Bresson, un ouvrier Lyonnais, aurait fabriqué une paire de patins-cyles à deux roues en 1860. Ils pesaient 6 kg et lui permettaient de se déplacer à 16 km/h. Il ne fit breveter son invention que 30 ans plus tard. Il possédait un système de freinage actionné à la main.

1866 ou 1868 : Charles Hauvel

Un ouvrage de Louis Lockert, "Le Chauffeur" du 25 mars 1898 indique que l'on devrait quelques uns des premiers modèles à un jeune ingénieur issu de l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures, Mr Charles Hauvel, en 1868. Comme nous venons de le voir, l'invention date sans doute plutôt de 1866. Hauvel aurait fabriqué de courtes échasses terminées par une roue en fer de 35 cm de diamètre dont l'axe tournait dans une chape qui "rattachaient à la jambe, en dehors, une armature métallique et des courroies".

Son inventeur, malgré son habileté, aurait été dégouté de la pratique à cause des chutes fréquentes et de l'inconfort des roues en métal sur les irrégularités du sol.

La révolution pneumatique avec George T. Bond (Etats-Unis)

Il a fallu attendre l'invention des bandages pneumatiques des bicyclettes pour que cette invention refasse surface. George T. Bond de Topeka (Kansas) dépose un brevet au bureau de Washington : un patin à semelle plate (figure 81) sous laquelle un chassis accueille une seule roue. Pour accroître le maintien, la structure rigide part de l'axe de la roue et remonte le long de la jambe, limitant ainsi les effets de levier et la torsion de la cheville. La roue est munie d'un fort bandage pneumatique comme une roue de bicyclette pour plus de confort.
Toutefois, ces modèles sont restés peu usités.

1891 : un brevet français de Bresson

Nous avons trouvé quelques traces de l'existence du Brevet n°217575 du 25 novembre 1891 déposé par A.M Bresson pour un patin bicyle à deux roues et un patin cycle à une seule roue. Nous n'avons pas trouvé de descriptif détaillé ni de schéma.

Différents brevets de patins bicyclettes


1895 : vers le patin bicyclette avec Hosea W. Libbey (Etats-Unis)

Le 15 avril 1895, M. Hosea W. Libbey de Boston (Massachusset) dépose à son tour un brevet au bureau des brevets de Washington pour un modèle à deux roues disposées à l'avant et à l'arrière du pied (figure 82). La chaussure repose sur une plateforme où elle se fixe. Le maintien est assuré par deux barres latérales qui viennent se fixer sur le mollet. Leur masse : 4 kg la paire, soit 2 kg le patin (hors poids de la chaussure bien évidemment ! ). Le patineur se déplace à des allures pouvant atteindre 20 à 30 km/h !
Bien que plus stable, ces patins ne possèdent pas de frein et les utilisateurs se munissent d'un long baton de fer qu'ils frottent par terre pour perdre de la vitesse dans les descentes.

Patin Anderson en 1896

1896 : Anderson améliore le concept

Ritter Skates (1898)Le Véloce-Sport n°52 du 24 décembre 1896 fait référence à un autre inventeur nommé Anderson. Il eut l'ingénieuse idée de réduire la garde au sol à seulement 5 cm. Le design ci-dessus ne vous rappelle-t-il pas quelques modèles récents de Nordic Skating développé par Powerslide ?

1895-1896 : Ritter Skates (Londres)

A la même époque, en 1896, Road Skate Co. produit les Ritter Skates à Londres (Grande-Bretagne). La firme est basée au 271, Oxford St.

Mr Ritter, un Suisse, qui était contremaître à l'usine Napier Works de Vine Street, Lambeth, Londres, où (plus tard) les premières voitures Napier ont été faites.

Les patins Ritter étaient très populaires en 1897/1898. Les anglais utilisaient ces "Road Skates" pour s'amuser ou pour se déplacer. Des hommes d'affaires les utilisaient même pour aller travailler ! Ils étaient pourtant assez lourds et surtout très haut perchés avec leurs roues de 15 cm (photo ci-contre). En revanche, ils disposaient d'un dispositif anti-recul bien appréciable dans les montées.

Plusieurs patineurs se sont fait connaître à l'époque, notamment M.S. Napier, Walter Munn et A. Hoffman qui ont fondé un club et qui patinaient sur la route chaque week-end. On a entendu parler de Ritter pour la dernière fois en 1929 à Paris où il officiait en tant qu'ingénieur dans une société sous le nom de Ritter et Smith, située au 35 rue des Batignolles.

1898 : l'essor des courses en France

Le journal La Lanterne (15 mars 1898) décrit deux patineuses au Bois :

"Louisette et Marcelle. chaussées de patins-bicyclettes, qui sont d'une adresse et d'une légèreté remnarquables. Ce sont certainement les deux premières dames que l'on ait vues patiner dans les allées du Bois et sûrement d'ici peu elles auront des imitatrices."

Parmi les coureurs amateurs qui sont enthousiasmés de ce nouveau sport, signalons l'excellent amateur Walher, qui tente le record de l'heure ; Chaudron qui va journellement de la Bourse au pont de Neuilly en 30 minutes et qui veut établir le record Paris-Versailles, aller et retour. Il s'entraîne tous les matins surm les patins-bicyclettes autour de Longchamp. Il veut établir le record du tour. Les frères Grandclaude sont très adroits tout comme les journalistes A. de Palissaux et Théo Leclercq "toujours à l'affut des nouveautés sportives".

En France, les patineurs préfèrent les patins Richard-Choubersky, qui ressemblent aux rollerskis actuels (photo ci-dessous), stables par leur longueur mais peu maniables du fait de leur encombrement. Parmi les lieux de prédilection pour la pratique du patin-bicyclette, "La Vie au grand air" fait référence à une course qu'elle a organisé autour de l'Hippodrome de Longchamp le 19 juin 1898. Plus de 2000 spectateurs s'étaient réunis au rond-point de la Cascade au Bois de Boulogne pour assister au départ des concurrents ! Parmi eux, de nombreuses personnalités de l'époque et acteurs de la vie mondaine.

Au programme des épreuves :

  • une course de 300 m récompensée par des objets d'art et un chronographe. Le vainqueur Paul Granclaude l'emporte en 1min37s.
  • Le format de course du "Handicap" (un tour de Longchamp sur 3600 m) revient à Guerry en 13min45s.
  • Un format plus inattendu, la course mixte où les concurrents peuvent se faire tracter à l'aide d'une corde par des équipes de tandems ou de triplettes en bicyclettes !

Le départ du 300 m en patins bicyclettes à Longchamp le 19 juin 1898

"Les plus maladroits apprennent à patiner en deux ou trois leçons, ceux qui savent patiner sur glace s'élancent du premier coup [...] Le Patin-Bicyclette, tout comme la bicyclette sa soeur, est appelé à rendre les plus grands services. Ce n'est pas seulement, en effet, un appareil de sport, c'est la machine de locomotion à la fois rapide et sûre par excellence."
La vie au Grand Air du 1er juillet 1898.

Granclaude et sa triplette au départ de la course mixte

En 1898, Quentin Bauchart fait adopter un projet de course de patins-bicyclettes à Auteuil.

Le Journal Amusant n°2174 du 30 avril 1898 fait référence à des championnats de patincycleuses, course de dames sur patins-bicyclettes. Les concurrentes parcouraient 2 tours de Longchamp, soit 7,2 km. Le journal Le Radical du 12 juin 1898 évoque lui aussi un Championnat des Patincycleuses. — Course de dames sur patins-bicyclettes où les concurrentes ont parcouru 500 m et vu la victoire de Mme Marie Paule devant Mme Marcelle et Mme Léo Lemoine.

Un patin au potentiel incroyable pour l'époque

La Vie au Grand Air entrevoit déjà dans ses lignes le potentiel de cet ancêtre du patin tout-terrain, que ce soit pour visiter "les sites merveilleux de la campagne" ou pour sa praticité :

"Léger et peu volumineux, il se détache facilement et s'emporte à la main pour travers les champs, les ruisseaux, les sentiers, les bois touffus et atteindre les poins les plus élevés. Dans les descentes, le Patin-Bicyclette, qui est muni d'un frein automatique, offre très peu de dangers de chutes et d'accidents de toutes sortes. Il est indéréglables et très difficile à détériorer de quelque façon qu'on s'en serve."

Toutefois, la revue indique qu'il serait né 6 mois avant la course de Longchamp. Or, on a constaté que nombre d'inventeurs l'avait déjà imaginé des décennies auparavant ! Phénomène intéressant, il est également fait référence aux contrefaçons possibles et "aux camelotes qui ne vont pas manquer de surgir des quatre coins du monde."

Sam Nieswizski indique également dans son ouvrage qu'un colonel de l'armée Britannique envisageait l'utilisation des patins cycles pour la locomotion militaire à raison de 80 km par jour ! Le français Constantini inventa d'ailleurs un patin-cycle à moteur en 1906.

Jusqu'à quelle date les patins cycles ont-ils été sur le devant de la scène ?

Difficile de déterminer précisément jusqu'à quelle date les patins cycles ont fait la une des journeaux. Nous avons trouvé quelques images de British Pathe datant de 1912 où la chaîne anglaise montrait la pratique parisienne !

Liens utiles

Charles Choubersky et les patins bicyclettes (1835-1891)

Notre dossier consacré à l'histoire du roller et du patin à roulettes

Photos : Gallica et autres droits réservés
Mis en ligne  le 21 décembre 2017 - Lu 8158 fois

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Fondateur et webmaster de rollerenligne.com. Alexandre est un passionné de roller en général et sous tous ses aspects : histoire, économie, sociologie, évolution technologique... Ne le branchez pas sur ces sujets sans avoir une aspirine à portée de main !

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