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Le 12 juin 2011 à 09:47 | mise à jour le 11 juin 2011 à 11:07

Interview : Pascal Briand

Interview : Pascal Briand

Pascal Briand est passé de l’autre côté de la barrière. Le champion du monde français a troqué ses combinaisons pour la double casquette de sélectionneur et d’entraîneur. L’image permet de simplifier les faits : car Pascal patine toujours un peu sur glace et sur les rollers ; mais surtout, ses fonctions de cadre technique au sein de la DTN sont très étendues et très diverses...

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« Formons ensemble les champions de demain »

Interview Pascal Briand 2011Dans cette interview, il revient sur plusieurs aspects de ces missions, sur son rôle auprès des Minimes et des Cadets, sur ses interventions au sein du Plateau technique Midi-Pyrénées, mais aussi sur ses idées pour faire avancer le roller de vitesse en France. Avec deux principes directeurs en tête : proposer aux patineurs ce qui leur convient le mieux et former de futurs champions (du monde) !

Bonjour Pascal. Les championnats de France route viennent de se dérouler récemment. Quel bilan en tires-tu pour les athlètes que tu suis au quotidien dans la Ligue Midi-Pyrénées ?

Beaucoup d’athlètes de la région sont identifiés au Plateau technique dans lequel j’interviens. C’est donc difficile de tirer un bilan global. Pour résumer, je dirais que les patineurs progressent qu’il s’est créé un échange très enrichissant entre moi et les entraîneurs : on se complète bien et chacun peut apporter sa touche personnelle. Bien sûr, certains athlètes sortent du lot : je pense notamment à Nolan Beddiaf en Elite, qui suit une courbe de progression qui le mènera au plus haut je l’espère, ou encore à Ysia Clausses, revenue dans la région après avoir quitté le Pôle et qui bénéficie donc pleinement de notre structure. Mais il reste encore du travail. Il reste quelques détails à régler : à ce niveau-là, ça se joue vraiment sur de petits détails...

 

A quel moment de la courbe de progression arrivent ces championnats de France route pour ceux-ci ?

C’est très variable. Nous – je veux dire, les entraîneurs, les athlètes et moi-même - avons défini des tactiques en début de saison et cela dépend de ces tactiques justement. Par exemple, certains athlètes s’étaient préparés pour les premières courses de l’année, les indoors, à un moment où tout le monde n’est pas encore au top. D’autres visent les championnats d’Europe et du monde, donc ils viennent au France route avec leur forme du moment. Enfin, les derniers sont à la recherche d’une sélection : ils étaient là à Angers avec leur meilleure forme...

Quel regard portes-tu sur ce week-end à Angers ?

Interview Pascal Briand 2011Je me dois de regarder tous les patineurs, car je suis en charge des sélections Minimes et Cadets. J’essaie d’être le plus attentif possible aux aptitudes de chacun en course, de déterminer les profils (leader, coéquipier...) afin de mettre en place les meilleures tactiques pour les championnats d’Europe. Globalement, je dirais que le niveau monte, que nous sommes dans une phase de progression. Certains, comme par exemple Raphaël Planelles, sont au-dessus du lot et se positionnent pour des médailles aux championnats d’Europe, voire du monde. D’autres sont entre deux eaux : médaillés aux championnats de France, un peu juste pour les championnats internationaux... Mais comme on ne dispose pas de toutes les informations sur leur préparation, peut-être que pour les championnats de France piste à Valence d’Agen, le niveau de frappe aura encore augmenté !

En parlant de porter un regard, voilà quelques années que tu travailles activement au sein de la FFRS dans la région Midi-Pyrénées en tant que cadre technique...

C’est vrai, mais ce n’est pas ma mission première. Je suis d’abord en charge de la détection des Minimes et des Cadets. Je dois notamment identifier, avec les entraîneurs régionaux, 24 athlètes Minimes, puis les préparer pour les échéances internationales. J’ai aussi une mission de formation au Brevet d’entraîneur fédéral (BEF) sous l’égide d’Amandine Migeon. Ensuite, j’interviens effectivement en Midi-Pyrénées, notamment auprès des clubs. Nous avons mis en place un Plateau technique avec un collectif de patineurs bien déterminé en fonction de leurs résultats aux championnats de France de l’année précédente. Ce sont des patineurs allant des catégories Cadets à Seniors, mais nous avons aussi fait entrer quelques Minimes. Mon rôle dans tout ça, c’est de conseillers les entraîneurs des clubs : je porte un regard sur la quantité et sur la qualité des entraînements, club par club. Parfois, les athlètes se regroupent aussi pour des séances d’entraînement collectif rajoutées aux séances prévues par les clubs. C’est vraiment très variable.

Comment cela se passe-t-il avec les athlètes ?

Je tiens mon rôle. Je veux dire, je ne remplace absolument pas leurs entraîneurs. Je fais bien comprendre aux athlètes que leur entraîneur reste maître du projet. C’est vrai que dans quelques cas particuliers, ma position est différente : je m’implique par exemple plus pour Nolan Beddiaf et Joris Gardères. Leurs entraîneurs principaux sont en effet plus distants géographiquement parlant !

Et comment cela se passe-t-il avec les entraîneurs et/ou les clubs ?

Ça varie d’un club à l’autre en vérité. Tout dépend de l’accueil et de la place accordés au dispositif mis en place par la FFRS. Certains clubs sont moins demandeurs : c’est tout à fait normal et dans ce cas, je respecte absolument leur dynamique. D’autres sont heureux d’avoir des conseils en plus. Le but, c’est de faire progresser l’ensemble : parfois, il ne manque pas grand-chose à certains patineurs pour passer d’un bon niveau national à une place sur les podiums. C’est là aussi où je peux être utile...

Il paraît que tu as « légèrement » révolutionné les méthodes de préparation dans certains clubs. Peux-tu nous en dire plus ?

Interview Pascal Briand 2011Ça serait faux de parler de révolution. J’interviens dans des détails... Certains athlètes avaient une bonne préparation tant physique que technique, mais il manquait quelques petits détails : par exemple, ils ne prenaient pas le quart externe. D’autres présentaient plus de lacunes - je veux dire que leurs entraînements étaient mal structurés alors que les bases étaient bonnes. Mais franchement, au final, ça se passe au niveau des détails. Nous avons vraiment fonctionné à la carte : d’un club à l’autre, les interventions ont été totalement différentes. Je suis satisfait du volume d’entraînement dans les clubs et les entraîneurs ont bien positionné les bases. Maintenant, on ne peut pas patiner à la place des athlètes : ceux qui se prendront en charge et s’impliqueront dans leur projet seront certainement récompensés et ils trouveront en retour l’aide nécessaire auprès des entraîneurs.

Quand tu patinais en compétition, tu gagnais des titres et des médailles grâce à une technique très efficace. C’est toujours ton credo ?

Absolument. La technique, c’est toute l’année. Dès que l’on pose le patin au sol, il faut penser au bon geste, il faut automatiser le geste ! C’est certain que quand on maîtrise la bonne technique, par exemple dans les virages, cela permet de s’améliorer réellement, cela permet d’aller chercher les centièmes, voire les dixièmes en moins sur le chrono. Mais il ne faut pas tout faire reposer sur la technique non plus : un bon athlète aura développé tous les aspects, tant technique que physique, mais aussi tactique et mental. Disons que la méthode consiste à être percutant d’un point de vue technique pour commencer. Car un patineur qui cherche à progresser en augmentant le volume avec une mauvaise technique continuera à se « désentraîner ». Maintenant, quand on commence à améliorer son geste, il ne faut pas non plus être fainéant sur le nombre de tours à réaliser pour automatiser ce bon geste...

A propos de la méthode, tu as aussi commencé à filmer les athlètes que tu suis. Quand on se voit, on voit mieux ses erreurs et ses progrès ?

 C’est un fait. Mais encore une fois, cela dépend des patineurs : certains ont besoin de se voir pour se corriger, alors que pour d’autres, c’est plus mental. Je dirais que la vidéo est un outil intéressant pour le perfectionnement technique. Elle permet d’avoir un regard « extérieur », de se détacher de ses représentations mentales et d’analyser son image réelle. Certains patineurs positionnent mal leurs bras ; pour d’autres, c’est la qualité des appuis au sol qui est à revoir... Matthieu Boher utilise énormément la vidéo à Talence : il fait un travail énorme sur cet aspect et on peut lui rendre hommage car il développe une superbe base de données à ce niveau. Ce que je fais à côté n’est pas grand-chose : je veux juste démocratiser l’outil pour montrer aux entraîneurs l’intérêt de la vidéo. Il faut être réaliste : je ne pourrai jamais corriger tous les patineurs de France !!! En revanche, si demain, vingt entraîneurs de club commencent à utiliser la vidéo, l’impact sera d’autant plus grand !

Ces vidéos sont postées sur un channel vidéo. Le but, c’est de partager ces séances d’entraînement ?

Absolument. Regarder de telles vidéos peut donner des idées, peut permettre aux gens de se rendre compte, d’acquérir des réflex d’entraînement, des réflex de compétition. Peut-être qu’un jour, des athlètes auront le réflex d’aller se regarder entre deux séries de 200m pour se corriger, qui sait ? Ces vidéos viennent aussi en complément des « Lettres aux entraîneurs » publiées sur le site de la FFRS. Elles sont régulièrement mises en ligne depuis que Sandrine Rabeau en a pris l’initiative et elles ont pour but de compléter le bagage technique des entraîneurs. L’idéal serait de les convertir en format vidéo également, mais c’est pour le moins chronophage : pour l’instant, ce n’est donc qu’une idée... Je stocke simplement les vidéos sur un site pour pouvoir les mettre en ligne sur le site de la FFRS en fonction des articles que j’écris (bilans de stage, lettres aux entraîneurs...).

Tu t’es certainement forgé une image bien précise de notre sport grâce à tes multiples expériences personnelles...

Interview Pascal Briand 2011J’ai connu plusieurs entraîneurs, de Michel Le Guilloux jusqu’à mon passage à la glace, en passant par mes années chez Salomon, les entraînements de Charly Lucas ou ceux de Christophe Audoire... Je peux en tirer des fils directeurs, c’est vrai. Ça a forgé mon profil, un profil de sprinter pour simplifier, mais il n’existe pas qu’une seule ligne de réussite. J’ai aussi regardé ailleurs pour pouvoir proposer aux patineurs ce qui leur convient le mieux dans un dispositif global.

Les plateaux techniques, les Pôles, les équipes régionales aux 3 Pistes : on sent une (re)prise en main de la section course par la Direction technique et le Comité national...

La volonté, c’est d’aller vers le haut avec plus de patineurs. Une dynamique est en train de se créer pour enrayer la courbe des résultats moyens obtenus lors des derniers championnats internationaux. La France a connu un contrecoup avec la disparition des équipes professionnelles. Nous avons toujours des fers de lance, mais nous voulons mener plus de patineurs au plus haut niveau. D’un point de vue personnel, j’ai toujours préféré gagner plutôt que terminer deuxième ou suivre... C’est un peu cet état d’esprit que nous essayons d’inculquer aux patineurs d’aujourd’hui. La FFRS veut faire en sorte que des Français redeviennent champions du monde. Mais attention, l’excellence ne doit pas cacher la masse : nous voulons aussi que le nombre de licenciés augmente ! C’est véritablement un tout.

Le point de vue de Mathieu Miquel et Matthieu Barrault, coachs adjoints au Pibrac Roller Skating

« L’arrivée de Pascal sur Midi-Pyrénées a fait un bien fou. Non seulement pour les patineurs, à qui un avis extérieur sur leur pratique est indispensable, mais aussi pour nous les entraîneurs. En caricaturant, on pourrait dire qu’il a passé un « un coup de balai » dans nos clubs respectifs, pour notre plus grand bien à tous !

Ce que l’on constate, c’est que les patineurs commencent à comprendre le haut niveau et les efforts nécessaires pour y arriver. Au contact de Pascal, ils en apprennent un peu plus chaque jour sur ce qu’il a dû faire et sacrifier pour en arriver là où il est arrivé. Au-delà de son apport sur ses connaissances techniques, de préparation physique ou tactique, il apporte également un plus dans leur approche du roller de vitesse et du sport de haut niveau.

Quant à nous, les entraîneurs, il nous a en quelque sorte revigoré. Nous même avons progressé à son contact. Nous appréhendons mieux les séances avec les jeunes, nous sommes plus efficaces et nous arrivons à mieux tirer parti d’un entraînement avec nos patineurs. Et nous même patinons mieux !

Une de ses plus grandes qualités, c’est son ambition aveugle pour tous : à chaque fois qu’il est présent, il pose un regard sur tous les patineurs et entraîneurs sans exception. Et pour chacun, il va essayer de trouver le meilleur axe de progression.

Enfin, il nous a surtout aidé à faire passer des messages aux jeunes par son intermédiaire. Tous ses conseils techniques et sur la préparation qui ne passaient plus trop après plusieurs années de vie commune. Grâce à lui nos messages passent de nouveau, et ce pour le plus grand bonheur des patineurs ! »

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Texte : Vincent Esnault
Photos : fotosdeAJ.com - droits réservés
Mis en ligne  le 12 juin 2011 - Lu 5851 fois


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