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Le 15 décembre 2008 à 00:00 | mise à jour le 01 novembre 2013 à 11:54

Interview : Thierry Michoux : organisateur Goelo

Interview : Thierry Michoux : organisateur Goelo

La disparition brutale de 2 grandes étapes de la French Inline Cup en 2009 nous rappelle sèchement que l'univers sportif repose essentiellement sur l'investissement de bénévoles. Nous avons rencontré Thierry Michoux, l'organisateur de la Goelo Roller Nature qui nous livre ses sentiments sur la difficulté d'organiser une telle compétition...

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"Nous ne sommmes que des bénévoles"

Thierry Michoux, organisateur de la goelo Après l'annonce de la non reconduction de la French Inline Cup de Lille, nous avons appris la semaine dernière que la Goelo Roller Nature, une des plus belles étapes de la French Inline Cup, n'aurait pas lieu en 2009.

Bonjour Thierry, la nouvelle de la fin de la Goelo a beaucoup ému les internautes, peux-tu nous dire pourquoi l'événement ne pourra avoir lieu en 2009 ?

Nous ne sommes que des bénévoles, nous n'avons aucun salarié, et les difficultés se sont accumulées depuis quelques temps. Cela nous a conduit à cette décision difficile.

Peux-tu nous raconter la genèse de la Goëlo ?

Pour comprendre, il faut revenir aux débuts de la Goëlo. L'événement est né il y a 6 ans, en 2003, dans le cadre d'un festival sport nature. Durant ce long week-end de l'Ascension, chaque année, se rassemblaient près de 50 disciplines sportives natures sur un lieu magique : Bréhec (parapente, équitation, VTT, etc.).

Un jour, on nous a sollicités pour mettre en place une grande épreuve de roller de niveau national afin d'enrichir le programme. Nous avons choisi ce site touristique sur les falaises. Cela impliquait que notre activité soit séparée du coeur du Festival à 3 km de là.

A ce moment là, le problème était que le circuit était aux deux tiers bitumé. Malgré tout nous sommes tombés sous le charme. Nous avons répondu favorablement une fois que le conseil général (CG) nous a promis que les travaux seraient fait en accord avec la commune de Plouézec.

Pour avoir des retombées, nous avons immédiatement pensé à la French Inline Cup. Nous étions tous motivés à l'idée de vouloir de nous faire connaitre dans le milieu, bien que nous ignorions tout d'une organisation comme celle-là.

Vous partiez donc totalement de zéro ?

Heureusement pour le fonctionnement général et interne, au sein de notre club nous étions bien renseignés, puisque le commissaire de course des FIC est licencié chez nous (François Lejeune).

Tout d'abord il fallait commencer par trouver de l'argent. Cela nécessitait une certaine somme d'argent. Connaissant des élus au conseil général, je leur ai présenté le projet avec le soutien et les conseils avisés d'un de leurs conseillers techniques et sportif et néanmoins amis.

Ils ont tout de suite adhéré au projet et plutôt que d'être directement subventionnés par le Festival Magic Armor (c'était son nom), le Conseil Général nous a subventionnés indépendamment.
Au final, nous avions un financement à la hauteur de nos ambitions tout en profitant de l'environnement du festival (communication, soutien matériel et de sécurité, etc.) Par contre, contrairement aux autres disciplines, on profitait seulement du programme.

Comment avez-vous fait connaître l'événement ?

C'est la communication du festival supportée entièrement par le quotidien Ouest-France qui nous a bien fait connaître. C'était énorme. On a profité de journaux gratuits diffusés par centaines de milliers dans tous les bals du Grand Ouest, d'affiches sur les abris bus.
On ne payait donc pas de frais de communication. On aménageait seulement le circuit. On était un peu isolés certes, mais on avait la volonté de faire connaître ce magnifique circuit au monde du roller,de voir du roller sur cet anneau là.

Il y avait d'autres avantages à se greffer à une manifestation déjà existante ?

On esquivait aussi toute la partie relative aux autorisations préfectorales et administratives. On avait juste notre logistique interne.
Les 3 premières années se sont déroulées de cette manière à chaque Jeudi de l'Ascension jusqu'à la mise en place de la 4ème édition de notre FIC (en 2006).

Quand eurent lieu les changements ?

Un jour, le conseil général a souhaité en toute légitimité avoir plus de transparence de la part des organisateurs du Festival, et ce fut le début des problèmes. Ce fut le début d'un débat houleux entre personnes bénévoles et élus à tel point que le Conseil Général a constitué un comité d'organisation avec des élus et différents représentants d'associations sportives impliquées pour cette manifestation.

Cette année là, je me suis retrouvé "Président délégué du Festival". Cela s'est déroulé tant bien que mal, et ce fut la dernière année.
Le festival a disparu au bout de 4 ans de French Inline Cup en 2006. Notre FIC pendant ce temps là a tenu bon, fidèle à sa jeune expérience et ses habitudes prises, en prenant soin de pas faire transparaître ces problèmes au coeur même de notre organisation. C'est tout l'avantage d'être autonome financièrement.

Comment avez-vous continué sans le soutien du Festival ?

2007 a changé beaucoup de choses avec la disparition du Festival. Étant donné que nos bilans étaient clairs, le Conseil Général, dans le cadre de sa politique sportive, nous a demandé de continuer... l'avantage d'être subventionnés indépendamment !

Avec quelles répercussions ?

Cela a eu comme conséquence de compliquer notre tâche, puisque nous devions alors prendre en charge tout ce que nous n'avions pas à faire auparavant, c'est à dire la communication, la sécurité, la totalité des structures...
Et pour compliquer notre mission, les élus de la communauté de communes dont nous dépendons (Communauté de Communes Sud Goëlo - CCSG) nous ont dit qu'ils nous l'attribueraient que si nous organisons la FIC sur le territoire du Sud Goëlo. Elle regroupe six communes : Etables-sur-Mer, Binic, Saint-Quay-Portrieux, Lantic, Plourhan et Tréveneuc.
Ils nous subventionnaient au même titre que le Conseil Général. Plouézec faisant partie de la Communauté de Communes voisine à savoir Paimpol Goëlo. Or il se trouve qu'il n'existe pas de circuit équivalent sur notre territoire, sinon ça se saurait.

Le club qui gère l'organisation s'appelle Roller Sud Goëlo car nous sommes dans la Communauté de Communes de Sud Goëlo. Comme je le disais, il fallait alors s'occuper de l'administration, de dénicher des sponsors, etc. Il fallait du temps en dehors des heures de travail. On est bénévoles !
Quand Sport Nature s'est arrêté, on pensait continuer sur le même type de programme.

D'où le ville à ville ?

Les élus de la communauté de commune ont fait remarquer qu'ils donnaient des sous à un événement qui ne se trouvait pas sur leur territoire. L'organisation s'est donc adaptée à la demande en proposant un ville à ville car il n'y avait pas d'autre circuit aussi exceptionnel ailleurs.
Nous avons dû nous adpater à la situation. C'est comme cela qu'est née la formule sur 2 jours avec la création d'une course relais par équipe reliant Etables-sur-Mer à Plouézec.

Je passe sur les détails techniques que cela a engendré, tout cela en plus pour apprendre quelques mois plus tard que la CCSG ne nous accordait que la moitié de ce qu'on demandait ! Trop tard pour repartir à la recherche de nouveaux sponsors et manque de temps.
Ceci dit nous avons fait fi de tout ça, pour nous concentrer sur l'accueil des patineurs en organisant en plus une soirée musicale pour tous ces passionnés qui venaient de loin pour la grande majorité.
Le programme s'est donc fait en 2 jours avec une partie sur la Communauté de Communes entre Étables-sur-mer et Plouézec. On a aussi pu accueillir la structure fédérale avec les enfants, toute la région. L'idée paraissait bonne, elle était bonne.

Vous avez réussi à maintenir l'événement malgré cela...

Ça a coincé car la Communauté de Communes nous a subventionnés 2 fois moins que d'habitude alors que la manifestation nous coûtait beaucoup plus cher : la sécurité était beaucoup plus dure à assurer avec pas moins de 120 signaleurs à positionner tout au long du parcours, le fait qu'il fallait rapatrier les patineurs en bus, sans parler de toutes les autorisations nécessaires pour ce type d'épreuves. J'étais aidé par le conseiller technique et sportif du Conseil Général fort heureusement.

Bilan ?

La formule a bien fonctionné malgré l'alerte météo orange ce week-end là. Dommage qu'il n'y ait pas eu plus d'équipes engagées sur cette course qui nous a donné tant de mal. Mais la satisfaction des participants était telle qu'il nous était difficile de ne pas réitérer.
Financièrement ce fut tout autre chose. La baisse de subvention ainsi que des frais supplémentaires dans les différents postes de dépense (communication, sécurité, structure...) combinés à une mauvaise météo et... Sport+ nous ont "plombé" !

Quel est l'impact de la venue de Sport + au plan financier ?

Le sprint d'arrivée de la Goelo Roller Nature

Permettez-moi d'aborder ce sujet, car il a eu une incidence à notre niveau. En tant qu'organisateur de FIC, j'avais fait part de mon mécontentement de l'accord pris entre la FFRS, Roller Service et Sport +, obligeant les organisateurs à payer 2500 Euros pour un reportage sur leur course.

Étant le seul à m'insurger de ce contrat passé entre eux, j'ai dû céder pour ne pas risquer de descendre en FIC de classe 2, comme me l'a clairement dit ce jour-là Arnaud Gicquel (lors de la réunion FIC en décembre 2006).

Mais n'étant pas breton pour rien, pour l'édition suivante, 2008, la dernière, j'avais décidé, coûte que coûte, que Sport + pouvait venir mais que je ne leur fournirai pas de motos, ni d'hébergement, ni de repas et que je ne paierai pas leur facture (à bon entendeur...).

Bizarrement personne n'a insisté, mais était plutôt désolé et convaincu par mes arguments qui étaient loin d'être infondés. Pour preuve, Lille, ce jour-là, en a fait de même.

Vous avez donc équilibré votre bilan ?

Grâce à ça, nous nous sommes sauvés petitement sur la dernière édition. Ajoutez aussi à cela, le fait que de notre situation géographique, magnifique, certes, mais la plus éloignée de Nice, a augmenté les coûts de chronométrage. En effet, c'est là que se trouve le siège des fournisseurs de puces. Cela a eu comme conséquence directe de nous attribuer la facture la plus lourde du circuit, faute de concurrents à la hauteur et aussi professionnels.
On n'équilibrait plus les comptes. On a persévéré pendant 2 ans en espérant que cela aille mieux. Je pensais avoir gain de cause, mais non. Ils ne se rendent pas compte du travail que cela peut représenter.

Combien de personnes oeuvrent sur quelle durée pour mettre l'événement en place ?

On a passé 7 mois à organiser avec 4 bénévoles en amont. Une cinquième personne salariée du Conseil Général nous était dévouée pour le suivi du dossier administratif avec notamment les autorisations préfectorales à déposer en temps et en heure. On est 70 le jour J. Imaginez, je prends déjà 3 semaines de congés par an rien que pour organiser la Goëlo.

C'est un atout de taille cette personne au coeur du Conseil Général...

Oui, elle nous a énormément soulagés mais il se trouve que le Conseil Général a été restructuré et que cette personne n'a plus le droit de venir en aide sur une organisation ponctuelle. Je n'ai plus de coup de main pour ce dossier là.

Et les sponsors ?

La recherche de sponsors est de plus en plus lourde. J'ai compté sur ma propre boite notamment. Les partenaires s'usent aussi. Ils ne connaissent pas le roller. Pourtant dans les côtes d'Armor on a 8 clubs avec 140 ou 150 enfants sur les compétitions. Quand on va voir les annonceurs, ils ne connaissent pas notre discipline. Ils ne voient pas franchement de grandes retombées les concernant.

Dans des villes comme Rennes, au centre ville, ça bouge beaucoup.
Ici, nous sommes à l'extérieur de tout, sans eau et sans électricité. On doit louer du matos comme des groupes électrogènes, des toilettes de chantier à un prix exorbitant et peu hygiéniques. Pour l'eau, on se débrouille avec les agriculteurs du coin. Tout ça se rajoute, sur un site protégé ! (d'où l'appellation " Nature " ). On a eu de la chance de ne pas être embêtés par les écologistes.
Par rapport à Rennes qui a tout sur place on n'a rien ! Imaginez les 200 barrières pour sécuriser le circuit. Il faut aller emprunter les camions d'artisans du coin pour aller chercher les barrières nous-même dans 5 ou 6 communes alentours... c'est lourd et usant. Il y a une usure du bénévolat, c'est indéniable.
On a monté de toute pièce, on y a cru, on est fiers de ce qu'on fait, les gens sont contents, même s'il fait mauvais, le paysage se suffit à lui-même.

Vous avez des anecdotes sur ces difficultés ?

Le peloton des féminines à la Goelo

En 2007, on a eu une alerte orange le dimanche matin qui nous a interdit toute manifestation. Tout aurait dû être arrêté.
Au départ de la course de relais, le maire a voulu tout démonter. J'ai fait des pieds et des mains. On a démonté toutes les tentes malgré tout et toutes les barrières de sécurité sont tombées sur la route.
A ce moment-là, j'ai été très touché lorsque j'ai vu tout le monde nous aider à relever les barrières : spectateurs, patineurs, etc. On a quand même continué à faire la course. Pour moi, le contrat a été rempli.

Sport Plus, ce jour-là, plutôt que de mettre en avant au moins pour une fois l'organisation, n'a pas trouvé mieux que de dire qu'il a plu encore en Bretagne ! Bref, on nous a critiqué. Ils n'ont pas interviewé l'organisation, ni les élus qui ont besoin d'être vus.

J'ai fait des copies de cassettes vidéos de l'événement pour les élus en les passant sur CD, ça nous a coûté une fortune et malheureusement, on y voyait que des patineurs en train de rouler.
On se plaint que notre sport n'est pas vu. Prenons le problème à la base. La pratique du roller, des clubs et des organisations doit être aussi mise en avant. Notre premier public c'est nous, si les choses se font dans ce sens là, les gens se voient, ils trouvent quelque chose de différent.
On a un excellent niveau, des champions du monde et on ne les voit jamais !

Vous avez beaucoup de licenciés ?

Le peloton au sprint à la Goelo

Je n'ai que 14.000 personnes dans ma Communauté de Commune mais j'ai quand même 170 adhérents ! On a pas de piste, on n'a rien qui tient la route hormis 2 salles de 36 m x 16 m.
A côté de ça, une commune a monté un skatepark, mais personne ne l'utilise. Le park ne sert à rien. Il y a un décalage hallucinant.

Je me bats depuis 8 ans que je suis président. On est obligés d'aller sur Saint-Brieuc pour bien s'entraîner. En poussin, on arrive à suivre mais dans les catégories supérieures, la salle ne suffit plus. On a du mal à se faire comprendre. Tous les ans, on refuse du monde, c'est délirant.
Je ne désespère pas de voir un jour une piste se faire. J'en parle régulièrement dans la presse.

Un mot pour conclure ?

Mais ce n'est pas parce que la Goëlo Roller Nature disparaît que nous n'allons plus exister. Nous allons continuer à nous battre, et à plus forte raison après avoir lu tous ces messages de soutien dans ton forum, qui nous ont énormément touché. Merci à vous tous ! Et si vous avez une pétition à faire signer, faites là pour que nos élus locaux nous apportent un peu plus de soutien.
A cette date, il m'est impossible de vous dire si la Goëlo Roller Nature reviendra un jour sur le calendrier des FICs. En attendant, ceux qui ont eu la chance de gagner notre trophée (sabot roller), gardez le bien ! Peut-être qu'un jour il vaudra cher...

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Goelo : un quinquennat de bonheur
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Interview : Alfathor
Photos : Sylvain Rouillard, Michel Terrien et droits réservés
Merci à Thierry Michoux
Mis en ligne  le 15 décembre 2008 - Lu 7383 fois


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